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Les Robins des Bois : « Ça me fait une sorte de… fussoir ! »


En 1996 naît une troupe de comédiens baptisée The Royal Imperial Green Rabbit Company. Portée par le succès de leur spectacle Robin des Bois, d'à peu près Alexandre Dumas, mis en scène par Pierre-François Martin-Laval, elle adopte alors un nom plus évocateur : Les Robins des Bois.


Ses membres se rencontrent entre 1989 et 1990 lors des cours de théâtre dispensés par Isabelle Nanty au Cours Florent. La troupe se compose de :


  • Marina Foïs ;

  • Maurice Barthélémy ;  

  • Pierre-François Martin-Laval ; 

  • Pascal Vincent  ; 

  • Élise Larnicol ; 

  • Jean-Paul Rouve. 


En 1996, lors d’une représentation de Robin des Bois, d'à peu près Alexandre Dumas à Fontainebleau, Dominique Farrugia et Catherine Mahéo, alors directrice du théâtre de la Gaîté-Montparnasse, repèrent la troupe. Séduits par leur talent, ils les propulsent sur la scène parisienne, d'abord à la Gaîté-Montparnasse, puis au Splendid en 1997, où la pièce sera jouée près de 250 fois. Conquis, Dominique Farrugia leur ouvre les portes de La Grosse Émission sur la toute jeune chaîne Comédie ! Dès novembre 1997 et jusqu’en juin 1999, la troupe relève un défi de taille : créer quotidiennement quatre sketches et un pré-générique, proposant ainsi à un public croissant leur style et leur humour.


Maintenant que les présentations sont faites, rentrons dans le vif du sujet. 


Bien plus qu’un groupe d’humoristes, c’est un véritable groupe d’amis qui prend vie. Tout l’écosystème familial et décontracté de Comédie permet une sublimation de leur art. Loin des normes de Canal + et des règles des grands festivals d’humour, les Robins des Bois ont réussi à créer une proximité avec leur public. Cette proximité et cet esprit familial, les Robins les recherchent. Ils invitent leurs amis, les techniciens et même leur famille (ce qui donnera un excellent dernier épisode à “La Cape et l’épée”) à participer à leurs sketchs. D’ailleurs, tous les grands noms du cinéma français actuel sont passés par les sketchs des Robins et les plateaux de Comédie. Nous y reviendrons. 


Les six Robins, sur le plateau de Comédie, lors d'un sketch de M. Orange (réunions de consommateurs de produits... originaux). De gauche à droite : Élise, Pef, Jean-Paul, Marina, Pascal et Maurice. Pour les nostalgiques de la VHS, les images raviront leurs souvenirs, à défaut de leurs yeux.  

Les Robins des Bois ne cessent de briser le quatrième mur en sortant des personnages qu’ils incarnent, en s’en prenant à l’animateur de l'émission et son invité par exemple ou en n’hésitant pas à se laisser improviser. Ayant généré trop de fumée sur le plateau pour simuler un départ déchirant et larmoyant, M. Marcadet (Pef) finit par s’emporter. Quittant le ton faussement affecté et son air appittoyé, il déclare avec une vigueur complètement décalée en tentant de dissiper la fumée : “Mais merde, il faut qu’on me voit ! Je suis quand même le personnage principal de ce sketch.” 



À titre tout à fait personnel, je conseille d’ailleurs aux non-initiés de regarder toute la série des M. Marcadet qui sont à mes yeux la synthèse parfaite de l’humour des Robins. Un humour déjanté, absurde, qui n’a pas de limites, ne verse que rarement dans le grivois et qui, ainsi, semble faire revenir en enfance comédiens et public. Voilà le bon résumé de l’art des Robins : ils ont recréé et poussé à l’extrême, les jeux, les rêves, les haines et les stéréotypes qu’ont un groupe d'enfants jouant dans une cour de récréation. Dans l’un des épisodes de “La Cape et l’épée” (“une série avec des capes mais aussi des épées”), le valet du roi vient demander aux autres présents sur la scène s’il peut venir jouer avec eux. Face à cette demande, la Reine (Marina) lui répond que ce n’est pas possible étant donné qu’il vient de la rue des Orteaux et qu’ils ne jouent pas avec ceux de la rue des Orteaux. Sur ce, le valet est mis à mort dans un déferlement de haine collective. C’est toute l'exubérance des enfants que l’on retrouve : des représentations caricaturées du monde des adultes, des haines fortes pouvant tourner au harcèlement, des romances sans lendemain, des cascades qui se soldent toujours par un échec,... 


Rien n’est plus beau qu’une joie d’enfant. Rien n’est plus terrible que d’être détesté par un enfant. Il n’y a rien de plus pur que des émotions enfantines. elles sont absolues et entières. 


Pef et Jean-Paul chez le psy. Pef, se prenant pour Coustaud et Jean-Paul, accro aux barquettes trois-châtons aux framboises.  

La force de leur réussite réside également dans les formats qu’ils utilisent. Des sketchs courts, parfaitement rythmés avec des décors juste assez travaillés pour que le public s'immerge juste ce qu’il faut. En outre, ils utilisent les mêmes personnages et mêmes gags : l’associable M. Merdocu joué par Pef, la prude et insupportable Sophie Pétoncule jouée par Marina, le gourou-arnaqueur father Tom joué par Maurice, Dédé et Marcel, le duo de choc de deux amis chtis joués par Maurice et Jean-Paul)... Ce-dernier rôle préfigurera d’ailleurs le rôle de Jeff Tuche. 



Au-delà des personnages qui reviennent, des comiques de répétitions reviennent régulièrement, taclant les membres du groupe : le physique ingrat pour Élise, l'absence de talent pour Pascal, les grosses cuisses de Maurice,... Sans oublier le fameux et mystérieux “fussoir” de Pascal, concept flou que le comédien suisse a d’ailleurs popularisé.


Pendant leurs sketchs, les Robins ne reculent devant rien : fracasser un décor à coups de haches, descendre des escaliers à skis, pendre Pouf (Pef) à un mur pendant toute la durée d’un sketch. concocter et déguster les plats les plus abjects (qui auraient causer une indigestion à Willy Rovelli lui-même), simuler l’assassinat de Kennedy dans la rue, détruire des guitares, tabasser Sylvie (“ma petite sercétaire à lunettes”),... 


Marina et Pascal, juste avant une liposuccion en direct.

Les mots sont tordus pour en extirper tout leur sens. Les calembours s'enchaînent : “Je sais qui tu es ! Tu es Lancelot ! Lancelot du lac Léman ? Heu, non,.. Lancelot du Lac de Genève ? C’est le même…”  Les références défilent : Raymond Devos, la lessive Vizir, la carte Kiwi, Tom Sellek, Michel Audiard...  Les règles sociales sont questionnées. Bref, il y en a pour tous les goûts.



Vous me direz sans doute que j’accorde trop de profondeur à de simples farces ? Que je cherche à faire de simples guignols des académiciens ? Je me contenterai de citer Romain Gary qui vous répondra bien mieux que moi, du haut de son double prix Goncourt : L'humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive.” Les Robins des Bois m’ont fait prendre un recul total sur la scène de théâtre complètement folle dans laquelle nous vivons. Prendre du recul, c’est quitter son angoisse pour revêtir la légèreté et aborder les difficultés de la vie avec un œil, non pas blasé, mais serein.  


En septembre 1999, les Robins des Bois rejoignent Canal+ et intègrent l’équipe de Nulle part ailleurs. L’année suivante, ils développent L’Instant norvégien, une parodie mordante du paysage audiovisuel diffusée en semaine. En parallèle, la chaîne leur offre une carte blanche pour un programme inédit : La Cape et l’Épée, diffusé chaque samedi soir à 20h45, où leur humour s’exprime alors pleinement.

La série plonge les spectateurs dans un univers médiéval déjanté, où se succèdent les tribulations rocambolesques d’un roi, d’une reine, d’un valet et de nombreux autres personnages (Pulpipi, le Cardinal Claudia, Dame Pachol) hauts en couleur. Chaque épisode est introduit par un ménestrel, maître de cérémonie chargé de réciter le générique et de guider le récit. Particularité amusante : ce rôle est confié, à chaque nouvel opus, à une personnalité différente. On verra ainsi défiler Dominique Farrugia, parrain des Robins, Daniel Prevost, Omar Sy, Éric et Ramzy, François Cluzet, Élie Semoun, Gérard Darmon, Alain Chabat, Macha Béranger, Édouard Baer, Francis Lalanne et même le sulfureux Pierre Palmade. Tournée Studio Gabriel, la série compte 25 épisodes d’environ 15 minutes chacun. 

À la suite de “La Cape et l’épée”, face à l'essoufflement et à la baisse d’audience, les Robins des Bois décident de se séparer pour suivre chacun leur voie. S’ils n’ont pas marqué le paysage humoristique comme Coluche, les Inconnus ou les Nuls (dont ils s'inspirent grandement), les Robins des Bois auront tout de même laissé des souvenirs de fraîcheur, de légèreté et de spontanéité, dont la plupart sont disponibles sur Youtube ! 








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