La ligne 3 bis est la ligne des records. Non contente d'être la plus courte, elle est la moins empruntée. Du haut de ses 1 200 mètres, elle transporte plus de 2 millions de voyageurs chaque année (dont une large part de passionnés, faussant les données). La ligne 1 en voit transiter 166 millions... Ces métros, les indéboulonnables MF 67 ne possèdent que 3 voitures, faisant d'eux les trains les plus courts du réseau. Les prochains MF 19 devraient en compter 4). Même la saugrenue ligne 7 bis la surpasse dans tous les classements. Dotée de seulement quatre stations, il est possible d'appliquer à la ligne 3 bis : elle est composée à 50% de terminus...
Tracé des voies de la ligne 3 bis. La Voie des fêtes et la Voie Navette auront droit à leur propre article. |
Nous chanterons donc dans cet article les louanges de l'inutile, de inconnu, de mépris et du sans intérêt. Car, en effet, si la ligne 3 bis est celle de l'inutile, c'est celle qui a porté le plus haut les couleurs du métro parisien. Combien de chansons, de répliques de cinéma, de publicités évoquent la « Porte des Lilas » ? devenu dès lors un syntagme fondateur de tout lutéçophile.
Ainsi, peu connue, la ligne 3 bis œuvre pour la grandeur du métropolitain. Véritable « soutier de la gloire » , c'est bien pour elle, et non pour une autre ligne, que votre humble serviteur a redonné vie au gueuloir de Flaubert plusieurs heures durant.
Histoire
Le 27 novembre 1921, la ligne 3 est étendue de Gambetta jusqu’à Porte des Lilas. Son exploitation se déroule alors de manière classique, sans particularité notable. La ligne 3 relie alors Porte de Champerret à Porte des Lilas.
Dans les années 1960, la RATP constate que le quartier de Bagnolet est insuffisamment desservi, alors même que la demande y connaît une forte croissance. Plusieurs études sont alors lancées, révélant que le trafic en provenance de Bagnolet dépasserait celui de l’axe historique Gambetta – Porte des Lilas. Afin d’éviter un déséquilibre dans la répartition des flux, l’idée d’une exploitation en fourche, comme c’est le cas pour les lignes 7 et 13, est écartée. On opte alors pour la création d’une ligne indépendante : la ligne 3bis.
Le terminus de la 3 bis à Gambetta (alerte affluence). |
Cette décision entraîne la création d’une nouvelle station Gambetta pour la ligne 3, tandis que l’ancienne devient le terminus de la 3bis. De nouveaux quais sont ainsi construits en amont de l’ancienne station. Ce réaménagement rapproche considérablement la station Martin Nadaud, située à seulement 230 mètres, au point qu’une fusion s’impose. Les quais de Martin Nadaud, bien que happés, sont encore visibles aujourd’hui dans le prolongement de ceux de la ligne 3. Ses accès, quant à eux, servent désormais d’entrées à la station Gambetta de la ligne 3. Le tronçon Gambetta–Porte de Bagnolet–Gallieni ouvre en 1971. Quelques jours avant son ouverture, le tronçon Gambetta–Porte des Lilas est officiellement débranché, faisant ainsi naître la ligne 3 bis.
La "nouvelle" station Gambetta de la ligne 3. La partie surbaissée et grillagée correspond aux anciens quais de la station Martin Nadaud. |
Les stations
Gambetta :
Terminus sud de la ligne 3 bis, Gambetta prend la forme d'une station à quai central encadré de deux voies. Côté ligne 3, la station cohabite avec les quais et les accès de l'ancienne station Martin Nadaud. Située sous la place Léon Gambetta (homme d’État républicain, artisan de la IIIe République et figure emblématique de la résistance face à la défaite de 1870), la station dessert, entre autres, le cimetière du Père Lachaise et l'hôpital Tenon. Autre curiosité : dans les environs de la station, le promeneur averti trouvera la rue de Chine, la rue du Japon, la rue du Cambodge et même... la rue des Pyrénées ! Paris, une ville cosmopolite !
Pelleport : Située non loin de l’Hôpital Tenon, la station Pelleport tient son nom de Pierre de Pelleport, général d’Empire blessé en 1814 aux Buttes-Chaumont, lors de la campagne de France. Une simple station en guise d’hommage : est-ce là une consolation suffisante ? De configuration classique – deux quais bordant deux voies – Pelleport détient pourtant un record discret : c’est la station la moins fréquentée du réseau, si l’on excepte Église d’Auteuil (ligne 10) qui ne compte qu’une voie. En 2024, elle a accueilli à peine 229 000 voyageurs. Notre Pierre de Pelleport mériterait un hommage plus prestigieux (pourquoi pas une place au sein du Camulogène?).
Saint-Fargeau : La station rend hommage à l’homme politique Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, premier assassiné politique de la Révolution française. À noter toutefois que la station Le Peletier, située sur la boucle occidentale de la ligne 7, n’a aucun lien avec notre propos. À l’instar de Pelleport et Porte des Lilas, l’édicule d’accès de cette station se distingue par son originalité : une construction de béton et de faïences qui confère au lieu une importance presque décalée. Saint-Fargeau enregistre chaque année près de 427 000 voyageurs, une fréquentation nettement supérieure à celle de sa voisine au sud. Faut-il y voir l’effet de la proximité avec la station de tramway Adrienne Bolland ou avec l’ancien siège de la DGSE, au 141 boulevard Mortier ? La question reste ouverte.
Anecdote intéressante : Saint-Fargeau se situe à l’une des extrémités du parcours imaginé pour emprunter toutes les lignes de métro, même partiellement, en un seul trajet.
Porte des Lilas : située à la frontière des 19ᵉ et 20ᵉ arrondissements, la station Porte des Lilas évoque tour à tour pour les amoureux de quiétude le charmant quartier de la Mouzaïa, pour les passionnés de nature le parc des Buttes-Chaumont, et pour les férus d’Histoire un ancien octroi ouvrant sur le village des Lilas. Station du Poinçonneur de la nostalgie de Timsit ou de l'amour transit de Brassens, la station Porte des Lilas ne mérite pas d’être jugée uniquement à travers une analyse froidement utilitaire (elle ne s'en remettrait pas), mais plutôt avec le prisme de son quartier. Porte des Lilas est l'enfant du 20e arrondissement : pétrie à la fois par les ambitions artistiques d'un quartier à part, appartenant à une ville métropole insérée dans une économie toujours plus mondialisée.
Un récapitulatif accéléré.
La ligne 3 bis : studio de cinéma ?
De part ses décors typiques du métro parisien et sa faible fréquentation, la ligne 3 bis est prisée des réalisateurs de cinéma. D'Amélie Poulain aux youtubers contemporains, la ligne 3 bis est hantée de cinéastes et autres acteurs, permettant à cette ligne peu empruntée de bénéficier de la même folie qui peut régner sur ses homologues.
Le clip d'ouverture des JO de Paris 2024, filmé en partie à la station cinéma Porte des Lilas, dans une rame de la 3 bis.
Un gars, une fille dans le métro. Lorsqu'on sait que l'épisode fut tourné sur la ligne 3 bis, la quantité de personne dans la rame nuit grandement à la crédibilité du court-métrage.
Vers une fusion 3bis et 7bis
Le projet de fusion des lignes 3 bis et 7 bis du métro parisien, envisagé pour l’après-2030, ambitionne de relier ces deux lignes peu fréquentées en un seul tracé desservant l’est de la capitale. Cette jonction impliquerait notamment la réouverture de la station fantôme Haxo et la modernisation de certaines infrastructures. Toutefois, son intérêt stratégique reste limité et sa réalisation incertaine, soumise aux arbitrages budgétaires et politiques à venir. Un projet qui fait davantage parler les amoureux du métro que les technocrates du Conseil Régional.
La ligne 7 bis aura elle aussi le droit à son article. Toutefois, la ligne 3 bis devait avoir la première place chronologique dans cette série d'articles consacrés au métropolitain parisien. Ligne des petits, ligne des oubliés, ligne de l'humilité, la 3 bis est une véritable leçon de vie. Loin de l'orgueil des lignes 4 ou 13, elle vit, simplement, avec ses quatre stations mais, son charme discret, fait d'elle la première d'entre toutes dans le coeur d'un passionné de l'inutile.
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